Dans quelques jours, nous fêterons nationalement les 70 ans du défilé du 11 novembre 1943 organisé par les maquis de l'Ain et du Haut-Jura, sous la coupe de leur chef, Henri Romans-Petit. Événement d'envergure mondiale, mon article ne le résumera pas, ayant fait l'objet d'une multitude de récit. Seuls les préparatifs de ce tournant seront racontés.
Tout est fin prêt, une dernière réunion se déroule en cette veille du 11 novembre. Le défilé se profile...
« Notre
force est réelle »
Eté 1943. Le département de l'Ain se trouve dans la zone dite
libre. La résistance tout comme la collaboration y sont actifs.
A la tête des forces des maquis de l'Ain et du Haut-Jura l'Ain se
trouve le colonel Henri Petit, surnommé Romans. Trois groupements
subdivisent le département : le Groupement Nord, pour la région
de Nantua, Bellegarde et Oyonnax, commandé par Noël Perrotot
(Montréal pour la Résistance) ; le Groupement Sud, pour la
région du Bugey et du Valromey, dirigé par Henri Girousse
(Chabot, objet d'un précédent article) ; le Groupement Ouest, pour la région de la Bresse et
de la Dombes, avec Elie Deschamps (Ravignan).
En août 1943, à son poste de commandement de Granges, Romans tient
une réunion avec les chefs des trois groupements. Son idée est
simple : l'image de la Résistance et notamment des maquis est
l'objet d'une diabolisation constante de la part des autorités
vichystes mais jouit aussi d'un manque de crédibilité du côté de
Londres malgré une organisation remarquable. Il devient donc
nécessaire de montrer aux populations un visage différent et leur
transmettre un optimisme nécessaire pour les activités résistantes.
Et quoi de mieux que la célébration du 11 novembre, interdite par
Vichy mais ayant une place particulière dans le cœur des Français.
Mais où défiler sans trop se risquer ? La ville choisie, pour
l'instant dans le secret d'une dizaine d'hommes, sera un lieu
favorable aux résistants, faible en troupes d'occupation, et suffisamment important pour être remarquée. Plusieurs fausses
pistes sont annoncées afin d'éviter les fuites :
Ambérieu-en-Bugey, Belley, Bourg-en-Bresse, Nantua, Oyonnax... Dans chacune de ces villes sera déposée une gerbe devant le monument aux morts, où sera inscrite "Les vainqueurs de demain à ceux de 14-18".
Les chefs régionaux, Albert Chambonnet (Didier) pour l'Armée
secrète, Henri Jaboulay (Belleroche) pour les maquis, donnent leur
accord à Romans. Le défilé aura lieu.
Un
défilé très loin d'être improvisé
La nuit du 7 au 8 novembre 1943, après avoir été en reconnaissance
des lieux, Romans met au point les préparatifs
du défilé du 11 novembre, en présence des responsables
départementaux et locaux, notamment Edouard Bourret (Brun), Ravignan, Gabriel Jeanjacquot (Gaby), Jeanne Moirod, Montréal et Jean Ritoux (Demain).
Tout est chronométré, planifié. La ville, encore secrète, doit
être neutralisée, mission confiée à Brun : le réseau
téléphonique sera coupé, la gendarmerie, le commissariat de
police, la poste et l'hôtel de ville seront aux mains des
maquisards. La resistance locale, menée par Eugène Barbe (Antoine),
devra protéger la foule mais aussi surveiller et suivre les suspects
de collaboration. Enfin, l'accès à la ville sera étroitement
surveillé par les chefs de trois camps : Charles Blétel
(Charles) pour celui de Cize, Georges Béna (Michel) pour celui de
Granges, Hyvernat (Commis) pour celui de Chougeat. Chabot est chargé de la logistique. Il doit trouver des bonnets et
des uniformes ; ce seront ceux provenant de l'expédition contre
le chantier de jeunesse d'Artemare deux mois avant. Quant aux armes,
elles seront les plus semblables possibles, la légende voulant que
certaines étaient factices pour une meilleure uniformité. En ce qui
concerne les véhicules, ils sont trouvés à Tenay, dans un dépôt
de la Régie des Transports de l'Ain.
Gaby, Montréal et Ravignan sont chargés de préparer le défilé en
tant que tel. Le plan du défilé est dessiné pour la gestion de 120
maquisards. Quatre officiels seront présents : Romans, bien
sur, chef des maquis de l'Ain, mais aussi des représentants des
maquis de la région : Henri Jaboulay (Belleroche, dont le fils tournera le film du défilé), chef
régional, et deux de ses adjoints, Lucien Bonnet (Dunoir) et Charles
Mohler (Duvernois). Sept maquisards seront chargés de leur
protection : Maurice Chevalier, Louis Cini, Francis Hérin,
Michel Jacquet, Raymond Massacrier, René Mérinieux et Roger Tanton.
Les troupes conviées seront trois sections des camps de Morez,
dirigé par Pierre Marcault (Marco) et de Corlier, commandé par Jean
Vaudan (Verduraz). Le tout étant encadré par leurs chefs :
Pierre Chassé (Ludo), Chabot et de Jean-Pierre de
Lassus Saint-Geniès (Legrand). Sans véritable formation militaire, ces
maquisards seront brièvement formés sur le plateau d'Hotonnes au
pas cadencé et au maniement des armes.
Un drapeau venu d'Hotonnes sera accompagné par six maquisards (Jean
Chevalier, Roger Gelounaud, Marcel Grummault, Raymond Mulard, Charles
Sartory et Jean Vandeville). La gerbe sera portée par trois hommes :
les jumeaux Roche (Julien et Marius) et René Escoffier.
Tout est fin prêt, une dernière réunion se déroule en cette veille du 11 novembre. Le défilé se profile...
Destination : Oyonnax
Ce matin du 11 novembre 1943, sept camions partent de Corlier et
d'Hotonnes pour une direction connue seulement par une poignée de
personnes... mais aussi par les habitants de la ville, de façon à
les mobiliser. Des tracts ont été envoyés les deux nuits
précédentes, invitant « la population à assister à la
manifestation qui aura lieu aujourd'hui à 11 heures et par laquelle
nous ferons comprendre à l'envahisseur et à nos collaborateurs que
ce 11 novembre est le dernier que nous passons dans la servitude ».
Passé Echallon, il faut attendre un passage entre Charix et Apremont
pour que les participants au défilé apprennent leur destination de
la bouche de Romans : il s'agira de la
commune d'Oyonnax. L'endroit est stratégique : Oyonnax est une
ville importante du département (12 000 habitants), située à la
limite du Jura et donc de la ligne de démarcation, peu occupée par
les Allemands mais aussi le centre d'une activité résistance très
active avec son Armée secrète locale et avec, en premier lieu, son
commissaire de police, le capitaine Verchère. Deux des trois
responsables des groupements de résistance de l'Ain en sont
originaires : Ravignan y est professeur, tandis
que Montréal y a grandit.
Le plan prévu lors des journées précédentes est mis en place :
Oyonnax est coupée du reste du pays téléphoniquement, ses accès,
ses murs, son cœur sont neutralisés par la résistance locale et
par les troupes des maquis.
Il est 11h55 en ce 11 novembre 1943. Malgré une heure de retard sur
ce le programme initial, le défilé commence... Plus d'une centaine
d'hommes entrent dans l'Histoire.
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Défilé du 11 novembre 1943 à Oyonnax (Musée de la Résistance de Nantua) |
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