samedi 23 février 2013

Le saccage de Maillat et l'appel à la solidarité par les préfets Rivet et Capelle.

D’après des documents issus de la sous-série 2 O (Archives départementales de l’Ain)

Une région soumise aux invasions des coalisés

Depuis la Bataille des Nations (défaite de Leipzig) perdue par Napoléon Ier en octobre 1813, la France est en proie aux invasions des armées coalisées, préludes à la Campagne de France qui se déroula de janvier à avril 1814.

C’est ainsi que le 21 décembre 1813, l’armée coalisée de Bohême, forte de 360 000 hommes sous le commandement du feld-maréchal autrichien Charles-Philippe de Schwarzenberg (1771-1820), envahit la France par la Suisse et le Jura. Le 3 janvier 1814, le général autrichien Ferdinand de Bubna envahit le Bugey.


Les évènements du 18 mars et la réponse autrichienne

Le 18 mars, plusieurs villages sont réunis près de Maillat dans la région de Nantua, pour attaquer les troupes autrichiennes stationnant à Saint-Martin-du-Fresne et à La Cluse.

Malgré sa neutralité lors de l’attaque, le village de Maillat est la cible d’une attaque vengeresse le lendemain dans l’après-midi par des escadrons de cavalerie et des bataillons d’infanterie, celle-ci étant vue comme la plus importante du département lors de l’invasion.

La commune est saccagée et incendiée et plusieurs habitants sont tués à coups de lance.

L’abbé Passerat de La Chapelle, curé du village, est brutalisé, tout comme le comte de Maillat, 86 ans, et sa sœur la comtesse de Montanges, 82 ans, épargnés de justesse par un officier autrichien, le château n’ayant pu éviter un minimum de pillage.

Le bilan du saccage

Le 20 mars, un procès-verbal établit par l’abbé Passerat de La Chapelle indique les dommages subit par la commune s’élèvent à 56 maisons incendiées ou pillées, 32 bœufs, 86 vaches et 13 chevaux morts, et cinq personnes décédées par arme ou par feu. Cinq autres décèdent quelques jours plus tard des suites de leurs blessures. Les actes d’état-civil comportent pour chacun la mention « est péris misérablement dans l’exécution militaire qui a eu lieu à Maillac le dit jour ».

C’est alors un cri à la charité que lance le curé de Maillat :

« Nous attestons que le malheur réduit les malheureux habitans de Malliat à la dernière mizère, ayants presque tous perdu leur bled, même les semences d’orge et légumes de toutte espèce. De quoi nous avons dressé le présent procès verbal pour constatter les faits et exciter la compassion et l’humanité des personnes charitables.»

L’appel aux dons

Dans une lettre en date du 25 avril et adressée au sous-préfet de Nantua, le préfet de l’Ain Léonard Rivet signale la volonté des forces dites alliées de réparer l’erreur commise, en accordant une autorisation à des coupes extraordinaires de bois pour la réparation de Maillat :

« Monsieur de Seydel, commissaire de sa Majesté l’Empereur d’Autriche dans le département de l’Ain, vient de m’adresser une invitation de faire couper dans les forêts de l’État les bois qui sont nécessaires pour la reconstruction du village de Maillac, qui a été livré aux flammes.»

Le 8 juin, étant limité dans les coupes de bois de la forêt de Meyriat, le préfet prend l’initiative de lancer un appel aux dons en bois par les communes du canton de Nantua, dans une lettre envoyée au sous-préfet en charge de l’arrondissement concerné :

« Je me suis empressé de communiquer à M[onsieu]r l’inspecteur des eaux et forêts le rapport de l’architecte Clerc et la pétition des habitans de la commune de Maillac tendante à obtenir les bois dont ils ont besoin pour reconstruire leurs habitations qui ont été consumée par les flammes. M[onsieu]r l’inspecteur me fait connoitre que ceux qu’on peut proposer au gouvernement d’accorder ne peuvent être coupés que dans la forêt de Meyria, qui est la seule qui soit à proximité du village de Maillat, et qu’on ne peut y prendre plus de 500 pieds d’arbres, quantité qui compose la coupe annuelle dans cette forêt. La raison en est qu’il est nécessaire de laisser un fond de futaye suffisant pour que les jeunes plants puissent prendre leur accroissement à l’ombre des grands arbres. Il pense que les communes de votre arrondissement qui possèdent des forêts considérables de sapin ne se refuseront pas à venir au secours de celle de Maillat et je partage son espoir. [...] L’intérêt que vous prenez à cette affaire m’est un sur garant que vous mettrez toute l’activité possible pour accélérer l’instant où ces malheureux habitants pourront travailler au rétablissement de leurs maisons.»

Le même jour, le sous-préfet rédige un modèle de lettre à envoyer aux maires des communes concernées par la coupe extraordinaire, en fixant un nombre proportionnel d’arbres à couper et en soulignant qu’il faut au village de Maillat un total de 2 952 arbres, auxquels seront déduits les 500 pieds issus de la forêt de Meyriat :

« M[onsieu]r le maire, le village de Maillac a été presqu’entièrement incendié. Je n’examinerai pas s’il a provoqué ce malheur ou s’il doit l’imputer aux communes voisines. Dans l’un comme dans l’autre cas, il a les mêmes droits à la bienfaisance des communes à portée de le secourir. La reconstruction des bâtiments de ce village exige 2952. Il a été vérifié qu’on ne pourrait en prendre plus de 500 dans la forêt de Meyriat sans la dégrader et nuire à son repeuplement. L’avis motivé de M[onsieu]r l’inspecteur des forêts m’ôte l’espoir d’en obtenir davantage du gouvernement. Il ne me reste d’autre moyen d’aider le village de Maillat à réparer ses pertes que de faire un appel à toutes les communes qui ont des bois assez rapprochés pour fournir le complément des arbres qui lui sont nécessaires. La votre est du nombre et son contingent fixé proportionnellement aux arbres dont se composent les délivrances annuelles est de .... [...] L’acte de bienfaisance ou même de justice que je vous demande n’imposera donc aucune privation à vos concitoyens. [...]»

Dans ce document figure un tableau récapitulatif des fournitures d’arbres par commune.


Les réponses des communes comme symbole d’un manque de solidarité

La sous-série 2 O des Archives départementales de l’Ain, de laquelle sont issus l’ensemble de ces documents, comprend la quasi-totalité des délibérations municipales retournées au préfet de l’Ain, à l’exception des communes de Champdor, du Poizat et de Vieu-d’Izenave.

Dans l’ensemble des délibérations, l’esprit de compassion est dominant :

« Les membres du dit conseil onts unanimement dit qu’ils étoient très mortifiés du malheur qui étoit arrivé à la commune de Maillac.» (Condamine-La-Doye, 1er août)

« Le conseil municipal considérant qu’à la vérité les habitants de Maillat, d’après une si terrible catastrophe, ont droit à la bienfaisance de leurs voisins.» (Charix, 14 juin)

Mais dans d’autres cas, le manque de ce sentiment est évident :

« Les habitants d’Oyonnax ont été très affligés du malheur arrivé à ceux de Maillat, quoi qu’il soit notoire que ce malheur a été provoqué sans qu’Oyonnax y ait pris la moindre part, que les habitants de Maillat, qui n’ont cessé de se présenter à Oyonnax y ont déjà reçu les secours que commande la Charité, qu’en supposant l’innocence des habitans de Mailac, il est impossible à ceux d’Oyonnax de subvenir à leurs besoins en bois, attendus que les bâtimens de cette commune tombent de vétusté [...], que les habitants d’Oyonnax sont instruit que la commune de Maillac est riche en bois chênes, et que si les communes de l’arrondissement qui ont des forêts sont cottisée au prorata comme celle d’Oyonnax, le malheur de Maillac sera un profit évident. » (Oyonnax, 16 juin)

« Considérant enfin que cette commune est une de celles du département qui ait le plus souffert, soit du séjour des trouppes belligérante, soit de leurs passage, puisque ses dépenses s’élèvent jusqu’à ce jour à cinq mille sept cent trente-sept francs deux centimes [...] Il est bien démontré que cette commune bien-loin d’être dans le cas de porter des secours au dehors a droit au contraire d’en attendre puisqu’elle est une des plus pauvres du département [...] Attendu que jusqu’à ce jour la commune de St Germain de Joux n’a retirée elle-même aucun secours de ses voisins, qu’au contraire elle a épuisée ses forces en venant au secours des magasins militaires établis à Nantua et à Châtillon de Michaille, Lyon et Bourg. » (Saint-Germain-de-Joux, 16 juin)

Pour la plupart des 23 communes sollicitées, il est mis en avant un manque de ressources ou des chantiers plus urgents :

« Les forêt communale de Corcelle ne pouvent sousporter cette demande à faire la livreson de cinquante pied arbre sapin pour montré plus clairement l’inpossibilitée de ne pouvoir obbliger la de mande qui nous a etté faitte. L’inssendiey qui c’est manifester dernièrement à Corcelle, les habitant qui on etté victime de cette yencendie non peut optenir navoir de bois dans les foret de la commune pour la reconstruction de leur batiment par cause que cette foret ne son que dune petite étandu. » (Corcelles, 18 juin)

« Considérant que la qu’antité d’arbres demandé ne pourroit être accordé sans nuire à la reproduction de leurs cantons de forêts usagers, qui sont composés en grande partie de clairières et places vagues, qui ne sonts pas emplantés. [...] Considérant que la plusparts de leurs bâtiments exigent des réparations urgentes, et que leur église ainsi que le presbittere tombent en ruine pour cause de vestuté. Que par conséquent, la commune a un besoin extrême de ses bois. » (Apremont, 26 juin)

« Cette commune d’ailleur est des plus misérables, obéré de dettes de plus de soixante mils francs occasionné par un procès pour la conservation de la proprietté des forêts. [...] Nous sommes très fâché de ne pouvoir pas faire un plus grand don, attendu la misère de la commune. » (Echallon, 14 juin)

« Considérant que cette commune ne peut accorder à celle de Maillat les deux cent arbres demandés, vu le peu d’étendue de bois qu’elle possède et la modique population dont elle est composée. » (Belleydoux, 23 juin)

« Les maisons des habitants de Martignat sont pour la plus part dans un très mauvais état, exigent des réparations indispansables. [...] En outre, cette commune a contracté beaucoup de dettes, qu’elle ne pourra payer sans provoquer une vente de bois. » (Martignat, 17 juin)

« Considérant que le passage des troupes alliées ont causés beaucoups de dommages à la commune, tant par réquisitions l’égal qu’in n’égal, que les habitans, presque les trois quards, ce sont épuisés entiérement pour acquiter la totalités de leur réquisitions, étant déjat pauvre et ayant essuyer la grèle pendant deux année consequtifs, et que les forets, principalement celle de Lalleyriat, sonts presque toutes en litiges jusqu’à la montagne de réserve pour les particuliers riverains, s’ens avoir même aucun fonds pour ce faire délimité. » (Lalleyriat, 20 juin)

« Considérant que le passage et la présence des troupes des hautes puissances alliées dans la commune des Neyrolles a occasionné ainsi que les réquisitions en tout genre une dépense des plus considérables, considérant que les bois et affouages qui déjà sont la seule ressource pour subvenir aux dépenses ordinaire seront encore affecté des dépences extraordinaires cy dessus mentionné, qu’en conséquence il est impossible d’entrer dans les vues bien faisante de Monsieur le préfet, le conseil arrête qu’il n’y a lieu d’obtemperer à la demande des quatre vingt arbres sapins dont il s’agit. » (Les Neyrolles, 15 juin)

« Nous prions Monsieur le préfet d’avoir égard à l’impuissance absolue où se trouve cette ville, de fournir le contingent de cinquante arbres qu’il lui a assigné, pour le rétablissement du village de Maillac, de porter sur d’autres communes plus riches, moins endettées, cette imposition honorable à la quelle nous regrettons bien sincèrement de ne pouvoir pas concourir. » (Nantua, 14 juin)

Il faut tout de même souligner que certaines de ces communes (13 d’entres elles) ont apporté un minimum de solidarité en accordant quelques coupes de bois, néanmoins inférieures à ce qu’espérait le corps préfectoral, apportant un total de 499 sapins sur les 2 452 espérés :

« Les membres du dit conseil sonts unanimement d’accord de leurs en accorder dix huit, attandu que la forest ne peut en suporter d’avantage sans nuire aux coupes ordinaire et d’après que les dit arbres auront été frapé du marteau de l’administration forestière. [...] On observe de plus que si la commune est chargé de les faire abatre et les conduire à Malliac, c’est ne pourra etre que dans le courant de novembre prochain, qu’après que les ouvrages de l’agriculture seront terminé. » (Condamine-La- Doye, 1er août)

« La mattiere mise en délibération, ils ont répondu d’une voix unanime que la commune ne se refusoit point à venir au secours de cette malheureuse commune, qu’elle avoit prévenu l’invitation de M[onsieu]r le préfet, puisque dans le martellage qui eut lieu dernierement pour la coupe en usance, elle pria M[onsieu]r le sous- inspecteur de leur marquer 20 arbres plus 10 pour un particulier qui a plus souffert que les autres. » (Chevillard, 20 juin)

« Considérant qu’il est urgent et nécessaire de parfournir ce contingent audit village de Maillat, le conseil municipal susdit, d’un commun accord et d’une voix unanime, à délivré à cette fourniture. » (Lantenay, 23 juin)

« Ils ont été unanimement d’avis de voter et consentir qu’il soit accordé aux habitants du village de Maillat la quantité de cinquante arbres sapins à prendre dans les forêts communales pour la reconstruction de leur bâtiments incendiés. » (Le Petit- Abergement, 19 juin)

« Voulant néanmoins déferer à l’invitation de Monsieur le préfet et contribuer autant qu’il est en leur pouvoir à la restauration et reconstruction des bâtiments du village de Maillat, ils consantent qu’il soit coupé dans leur canton usager dit en Baboux, la quantité de vingt pieds d’arbres sapins, après qu’ils aurons étés préalablement frappés du marteau de l’administration forestière, en présence de Monsieur le maire de cette commune. » (Apremont, 26 juin)

« Cette commune ayant cy-devant fait martellé pour cette fin vingt pieds d’arbres dans leur forêts et pour plus grande grace, ledit conseil fait encore le don de vingt pieds, qui font la quantité de quarrante pieds. » (Echallon, 14 juin)

« Elle accorde à la commune de Maillat la quantitée de vingt arbres sapins à couper dans le lieu appellé les Mousses, lieu qui fait partie de la forest en uzance de cette commune. » (Belleydoux, 23 juin)

« Cependant, le conseil, voulant que la commune contribue autant qu’il est possible à la réparation des maisons incendiées du village de Maillat, pense qu’il ne peut être accordé pour cette objet que le nombre de cinquante arbres que les habitants seront invités d’exploiter dès la forêt jusque sur la grande route. » (Martignat, 17 juin) « Malgré la détrese d’où nous somme et quoique nous nous ne soyont coupable dans auqune manière pour cette incendie, car il est bien fortui que si toute les commune avait ressitée avec l’autorité au ordre des tetes dénaturez qui engajeait se soulevement des garde national, cette incendie ne serait pas arrivée, nous votont la quantité de quarante bois apprendre dans la forest Mossiere. » (Le Grand- Abergement, 19 juin)

« Soixante pieds d’arbres sapin seront marqués dans la forêt de Jean Martel pour le compte des habitants de Maillac. Ils seront exploité hors de la forêt par les habitants sous la surveillance de l’autorité locale et des gardes forestiers et ensuite pris au dépôt par des voitures à collier fournies par les habitants de maillac ou à leur défaut par le maire de la commune, qui en ce cas pourvoira au payement d’icelles par la retenue d’une partie de ces bois dont il disposera jusqu’à concurrence du payement. » (Charix, 14 juin)

Mais dans tous les cas, aucune commune ne propose le transport de ce bois, en raison de l’épizootie sévissant dans les environs de Saint-Martin-du-Fresne :

« Considérant aussi que pour en faire l’exportation audit Maillat, qu’il ne se trouve pas dans cette commune des voitures à chevaux, que l’on ne peut faire ce transport avec des voitures à bœufs, attendu que la maladie épizootique et contagieuse règne sur les bêtes à cornes de la commune de Saint-Martin-du-Frêne, qui avoisine celle dudit Maillat, et que l’on est dans le doute qu’elle ne se soit déjà manifestée sur celles dudit Maillat, et que si on exposoit les bœufs de cette commune à faire ces voitures, cela pourrait causer la ruine totale des habitans desdits Lantenay et Outriaz. » (Lantenay, 23 juin)

« [...] ne pouvant les conduire jusqu’au village de Maillat, par rapport aux maladies épidémiques qui règnent dans ses contrées, n’ayant d’ailleurs que des bœufs aptes à faire ces sortes de transport. » (Le Petit-Abergement, 19 juin)

« [...] sans pourtant se charger d’en faire la voiture, n’ayant pas des chevaux dans cette commune, et les bœufs ne pouvant pas sortir craintte des maladies épizootiques. » (Echallon, 14 juin)

« [ ...] ne peut aucunement faire le transport d’iceux ni même payer pour le faire, attendu que la commune est dépourvue de ressources et de fonds disponibles, que d’ailleurs les habitans n’ont aucun bétail d’attellage, étant obligés de faire cultiver leurs propriétées par des animaux pris dans les communes envirronnantes, situés dans une commune très izolée du département, et même très éloignée de Maillat, et que lors même qu’ils le pourroient, les maladies contagieuses qui règnent actuellement dans ce département leurs oteroient l’envie qu’ils en auroient. » (Belleydoux, 23 juin)

« [...] et ne pourroient les conduire à Maillat, attendu que l’épizootie qui règne dans les environs et qu’il n’existe point des chevaux pour supléer au défaut des bœufs d’attellage. » (Martignat, 17 juin)

« [...] quant au voiture elle ne peuve point être faite par les abitant de ma commune eut egar à la circonstence de l’épizzotie. » (Le Grand-Abergement, 19 juin)

Enfin, il faut souligner le cas de la commune de Saint-Martin-du-Frêne, foyer d’épizootie, insistant sur le fait d’avoir autant, voire plus, souffert que celle de Maillat :

« C’est avec surprise que la commune de S[ain]t-Martin se voit comprise dans la répartition que vous avez fait des bois à délivrer à la commune de Malliat. [...] Elle ne peut pas être comprise dans une semblable délivrance parce qu’elle a eu le jour de l’incendie de Malliat trois granges incendiées par les mêmes troupes, ce qui met la commune hors d’état de pouvoir venir au service de la commune de Malliac, et que d’un autre côté, S[ain]t-Martin, après avoir été pillée à différentes épocques, a encore eu le malheur de se voir privée de la généralité de ses bêtes à corne, ce qui la metra dans le cas d’avoir besoin d’une quantité considérable de bois pour réparer les écuries. » (Saint-Martin-du-Fresne,19 juin)

« Mais personne n’ignore, et les habitants de Mailliac en conviennent, que celle de S[ain]t-Martin n’est pas moins à plaindre. Ceux de Malliac cherchants et reçevants des secours, dons, font le voisinage, tandis que celle de S[ain]t-Martin n’en réclame et n’en reçoit aucun. S[ain]t-Martin a eu la station depuis le 28 janvier jusqu’au 26 mars de la troupe étrangère en station, tant l’infenterie que cavalerie, et cela a ses propres frais. Il a essuié plusieurs passages de ces mêmes troupes qui y ont couchier et qu’il a fallu nourrir. Une nuit en trautre, il y logea trois mille hommes et mil cheveaux, et cette nuit tout le vilage fut mis au pillage. Les portes de plusieurs maisons furent cassier et plusieurs meubles briser. Le jour de l’incendie de Maillac, la troupe qui fit cette malheureuse expedition pilla encore ce qu’elle trouva à S[ain]t-Martin, ainsi que les jours précédents tua un homme et en blessa plusieurs autres. Les trois mille qui bâtoient en retraite arrivèrent à huit heures du soir, furieux de ce qu’on avoit fait rouler sur eux des pierres par la montée de Cerdon. [...] Cette commune a logé jusques à deux bataillons de troupes françaises à la fois, qu’elle a nourri sans avoir rien reçu d’aucun magasin ny d’aucune commune voisine. Il est donc aisé de juger et de se convaincre que les habitants de S[ain]t-Martin doivent être épuiser. » (Saint-Martin- du-Fresne, 22 juin)

L’appel aux dons sous forme de souscription préfectorale

Dans un document sans date intitulé « Souscription ouverte en faveur des malheureux habitans de la commune de Maillat pillée et incendiée le 17 mars dernier par un détachement de cosaques. 56 maisons, 32 bœufs, 86 vaches, 13 chevaux, tout le mobilier des habitans, approvisionnement de toute nature, instruments et applis d’agriculture incéndiés et détruits, 5 hommes tués, un grand nombre d’autres mortellement blessés, et près de 80 familles ruinées, errantes, auxquelles il ne reste d’espérance que dans la considération de leurs concitoyens, sont les objets sur lequel on appele leur bienfaisance. », les signatures de certains dignitaires du département attestent de leurs dons au profit de la commune de Maillat. Nous retrouvons ainsi notamment :

« Le b[ar]on Capelle, préfet du d[é]p[artemen]t de l’Ain pour cent francs »

« Le conseiller de préfecture Gauthieux, 1 fr 50 c »

« Chapuy curé de Bourg, 3 fr »

« Mr Picquet, présid[en]t, 2 fr »

« M. Brangier, vice president, pour cinq francs, payés »

« Le Duc, insp[ect]eur des ponts p[ou]r cinq francs payés »

« M. de Bohan, maire de Bohas, pour six francs payés »

« Mr Comoy, cap[itain]e de gend[armer]ie pour cinq francs »

« Mr le commandant militaire, 5 fr 16 »

« Le receveur g[ene]ral de l’Ain [...] pour 25 fr payé »

« Le p[rinci]pal du Collège de Bourg et le collège 2 fr 25, plus la classe de 3e 2 fr, la classe de 4e 2 fr, la classe de 7ème 37 sous, la classe de 5ème 3 fr 16 s »

« Le directeur des contributions a payé cinq francs. Dutailler »

« Le sieur Guillot, mandeur de ville, est autorisé à accompagner le maire de Maillat pour la quête. Bourg le 13 juillet 1814, Monnier, adjoint à la mairie »

« J’ais recus de Monssieur le maire de la comune de Malliat la some de cinq franc pour la voir acompagnié pour la quete dont il a été otorisé par Monsieur le baron preffet de l’Ain. A Bourg ce 14 juilliet 1814. Guillot ».

Un nouvel élan à la suite de l’échec des dons

Le 12 juillet, l’abbé Passerat de La Chapelle et le maire Gyrard écrivent au préfet de l’Ain pour le remercier mais aussi pour renouveler leurs appels à l’aide, aux vues de la misère s’installant davantage, tout en soulignant le manque d’entrain de l’arrondissement lors de la précédente demande de dons :

« Maillat est la seule commune de votre département qui a été ainsi traittée, et c’est la certitude de cette méprise qui a arrêté les exécutions militaires dans notre partie de votre département. L’épuisement dans lequel le département a été réduit n’a surement pas permis à Messieurs les maires de faire passer des secours pour cette commune malheureuse. Le plus grand nombre des habitans a été forcé de mendier, ce qui a occasionné bien des abus, parce que beaucoup des disants de Malliat et mendiants sous ce faux noms ont privé les habitans de Maillat de secours plus abondants. Nantua, Izernore et le Grand Abergement ont a la vérité fait passer quelques secours, mais bien insuffisants pour les besoins de ces malheureux affligés. La misère n’a fait que s’accroitre et aujourd’huit elle est a son comble. Tous sans exception ont contractés des dettes pour pouvoir exister. Le petit nombre qui a commencé à se reconstruire ne l’a fait qu’a grand frais en faisant travailler a crédit et en surachettant par le crédit les objets de tout genre qui leur étoient necessaires, au point que beaucoup sont au désespoir s’il ne leur arrive au plus tot des secours, surtout en argent et denrées. Aujourd’huit, Monsieur, que le département jouit du bonheur inapreciable de la paix, que la recolte donne la douce espérance de l’abondance, que le commerce commence a reprendre, nous esperons que votre bonté paternelle voudra bien rappeler un souvenir de Messieurs les maires la triste situation de la commune de Malliat. »

Ce sentiment d’échec de la précédente campagne d’aide est soulignée par le même curé trois jours plus tard, toujours à l’adresse du préfet :

« Le bel exemple de générosité que vous avez donné n’a pas produit l’effet que vous et nous attendions »

Le 17 août, le préfet adresse directement une lettre à l’intention des 23 maires concernés par l’opération précédente. Le ton est désormais menaçant, jetant l’opprobre sur les communes n’ayant que peu de solidarité envers leur voisine :

« Nous approchons de l’hiver et les malheureux habitans de ce village qui ont tout perdu n’auront pas même un abri pour se garantir des frimat si vous ne venez promptement à leur secours. [...] Vous ne voudrez pas qu’on dise que vous avez été insensible au malheur de vos voisins. Vous ne voudrez pas qu’on puisse vous faire un pareil reproche. Ce serait une tache pour votre commune que rien ne pourrait laver. [...] Je ne dois pas vous dissimuler que je verrais avec peine que votre commune ne fit pas tout ce qu’elle peut faire dans une circonstance tellement affligeante qu’elle doit exciter toute sa comiseration. J’ajouterai même que dans la suposition ou elle resterait indifférente, je ne pourrais me dispenser d’en rendre compte au gouvernement et de provoquer le droit de préhension du nombre d’arbre qui vous est demandé. »

Trois jours plus tard, le préfet publie un arrêté répartissant désormais 1 452 sapins à vendre. Le produit de ces ventes est alors réparti par le sous-préfet de Nantua dans le village de Maillat.


Par une lettre du 12 novembre, Barbe, inspecteur des Eaux et Forêts, autorise la délivrance de 2 000 arbres au profit de Maillat.

Enfin, le 31 décembre, le curé de Maillat écrit une dernière fois au préfet pour faire le bilan de la répartition des dons et également pour le remercier à nouveau :

« J’ai fait les fêtes de Noel une distribution de l’argent que j’ai reçu. J’avais a distribuer 1° les 100 fr que vous avez eue la bonté de donner, 2° les 34 fr 10 s que m’en feut passer Madame de Cazenove, et 40 fr qui se sont trouvés dans le tronc que j’ai fait placer du consentement de Monsieur le Chevalier de Porgelon sous-préfet. J’ai prelevé un quart de cette somme pour les plus necessiteux, le reste a été distribué a raison des pertes le plus juste possible. Mes adjoints ont été tous les deux du même avis. Je suis chargé de la part de mes habitans, auxquels j’ai fait connoitre votre générosité, de vous temoigner leur reconnoissance, l’esprit publique de cette petite commune se bonifie. »

Conclusion

Malgré ce dernier élan de solidarité, Maillat a mis encore plusieurs années à se reconstruire et se remettre de cet évènement, le dossier étant encore d’actualité en 1819. L’initiateur du projet, le préfet Léonard Rivet, quitta son poste le 10 juin 1814. Son véritable porteur, son successeur le baron aveyronnais Guillaume Capelle (1775-1843), ancien préfet du Léman (1810-1813) le resta jusqu’au 14 mars 1815. Quelques années plus tard, il devient préfet du Doubs puis premier ministre des Travaux publics du 19 mai au 31 juillet 1830, dans le gouvernement Polignac.

SOURCES

Sous-série 2 O (commune de Maillat) des Archives départementales de l’Ain.

BIBLIOGRAPHIE

CROYET (Jérôme), Mémoires d’invasions. 1814-1815, SEHRI, 2010. 65 p.

THIÉBAUD (Jean-Marie) et TISSOT-ROBBE (Gérard), Les corps francs de 1814 et 1815. La double agonie de l’Empire, les combattants de l’impossible. Paris, L’Harmattan, 2011. 713 p.

2 commentaires:

  1. Bonjour, Auriez-vous des cartes anciennes de la région de Maillat (ain) en format électronique, comme celle que vous utilisez en fond de votre site internet? N'hésitez pas à me contacter menier_julien@hotmail.com, d'avance merci et très bon site, excellent travail!

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  2. Bonjour,
    Je viens seulement de découvrir votre message et vous remercie pour ces commentaires, même si le temps me manque depuis pour abonder davantage le blog.
    Pour ce qui est de la carte, j'utilise un fac simile de la carte du département, mais vous pouvez trouver ce qui vous intéresse aux Archives départementales : nous disposons d'un service de cartes et plans.

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