mercredi 27 février 2013

Le général Messimy, figure méconnue de l'Ain

Lors du classement de la série 2 O (relations entre la préfecture de l'Ain et ses communes) pour la commune de Saint-Maurice-de-Gourdans, une signature a éveillé mon attention : celle du général Messimy. Celui-ci porte le titre d'"ancien ministre de la guerre", l'adresse parisienne du 1 rue Bonaparte (dans le 6e arrondissement, là exactement où vivra plus tard Gaston Palewski, président du Conseil constitutionnel de 1965 à 1974) étant rayée au profit d'une note manuscrite : "Charnoz".


L'auteur de cette lettre y écrit en tant que maire de Charnoz-sur-Ain, petite commune d'environ 160 habitants située à proximité de Meximieux et du camp militaire de La Valbonne. Cette lettre est rédigée de Paris le 7 septembre 1920, avec l'en-tête du Conseil général de l'Ain, et à l'attention du préfet de l'Ain. Son objet en est la demande de subventions pour les érections des monuments aux morts de Saint-Maurice-de-Gourdans et de Charnoz.

Lettre de Messimy au préfet de l'Ain 
(Sous-série 2 O, Archives départementales de l'Ain)


Adolphe Messimy. Pour beaucoup, ce nom a été oublié. Pourtant, il fut l'une des figures de la IIIe République du début du XXe siècle, comme je vais tâcher de le justifier brièvement.

 Photographie issue de Gallica

La famille Messimy : des farines au notariat

D'après une généalogie rapide et très sommaire établie par mes soins et figurant ci-dessous, nous retrouvons, parmi les ancêtres proches de notre personnage central, un boulanger lyonnais : Marcellin Messimy. Après un mariage avec Marie Tabard, il décède le 8 pluviose an 2. Son commerce se situait au 104 rue des Farges, dans l'actuel 5e arrondissement de Lyon, et plus précisément en plein croisement des quartiers de Saint-Just et du Vieux Lyon, futur théâtre des révoltes des Canuts.

 Généalogie sommaire des Messimy

Son fils, Philippe Messimy, lui succède logiquement à la tête du commerce familial. A son mariage le 24 prairial an 3 (son père est déjà décédé), il épouse la fille d'un marchand de vin, Elisabeth Flichet. Il décédera également rapidement, n'étant plus de ce monde aux mariages de ses deux garçons.

Le premier, Pierre, est né le 7 prairial an 6. Il prend la suite de son père puis est dit rentier demeurant au 15 chemin de la Favorite, toujours dans le quartier de Saint-Just. Il épouse le 25 mai 1833 Pierrette-Caroline Sédy et devient le père de quatre enfants, la plupart décédés en bas-âge.

Le second, Antoine (grand-père d'Adolphe), est né le 15 brumaire an 13. Plutôt que la boulangerie, il se lance dans le négoce et s'installe au 48 quai des Célestins, traversant ainsi la Saône et se rapprochant alors de la place Bellecour. Il se marie le 6 août 1831 avec Madeleine Piégay, avec qui il aura quatre enfants dont, évidemment, le père d'Adolphe Messimy.

Celui-ci, Charles Paul Léon, né le 8 avril 1837, gravit un échelon supplémentaire dans la notabilité lyonnaise : il devient notaire, qui plus est avec son étude située dans l'une des principales rues de la capitale des Gaules : celle qui successivement s'appelle rue de Lyon, rue Impériale et enfin rue de la République. Il se lie à Laurette Marie Anne Girodon, avec qui il a neuf enfants.

L'aîné de cette nombreuse fratrie s'appelle Adolphe-Marie.

Une rapide carrière militaire

Né dans le 1er arrondissement de Lyon le 31 janvier 1869, Adolphe-Marie est donc fils de notaire. Néanmoins, plutôt que de suivre la carrière de son père et de lui succéder dans son étude, il décide de faire une carrière militaire en intégrant Saint-Cyr l'année de ses 18 ans puis l'Ecole de guerre.

Il y devient successivement sous-lieutenant (1889), lieutenant (1891), capitaine (1897) et capitaine de réserve (1899).

En 1899, il prend la décision brutale de quitter l'armée pour entrer progressivement en politique.

L'homme politique rapidement rattrapé par la guerre

Dès son départ de l'armée, Messimy devient publiciste, participant ainsi à divers journaux tels que Le Temps, Le Matin ou encore Lyon-Républicain. Sa plume exacerbe son militantisme pour la République, souvent associé à son militarisme. Il passa brièvement à la Compagnie générale du Niger en tant qu'administrateur, ce qui l'intéressa au thème du colonialisme.

Le 11 mai 1902, à seulement 33 ans, il est élu député de la Seine sous l'étiquette Radical-socialiste, réélu à deux reprises (en 1906 et en 1910) pour terminer son mandat le 7 mars 1912. Ses compétences et son grand intérêt pour le sujet lui valent d'être nommé ministre des Colonies de l'éphémère gouvernement Ernest Monis, du 2 mars au 27 juin 1911.

Le 5 novembre 1905, il épouse dans le 7e arrondissement de Paris Andrée Cornil, avec qui il a deux enfants, Madeleine Henriette Amélie Laure née en 1902 et Robert Paul Théodore né en 1905 (futur chef de clinique à la Faculté de médecine de Paris et neuropsychiatre). Ce mariage fait de Messimy le gendre de Victor-André Cornil, membre de l'Académie nationale de médecine, engagé politiquement auprès de l'Union républicaine, ancien préfet de l'Allier en 1870, député (1876-1882) puis sénateur (1885-1903) du même département.

Pour quelques mois, Joseph Caillaux le nomme ministre de la Guerre dans son gouvernement, du 27 juin 1911 au 14 janvier 1912, courte période durant laquelle il insista pour placer le général Joseph Joffre a la tête de l'Etat-major. René Viviani en fera de même du 13 juin au 26 août 1914 (date de sa démission quelques semaines après le début du premier conflit mondial). En parallèle, il devient député de l'Ain à compter du 26 avril, et ce jusqu'au 7 décembre 1919.

Image issue de la Société d'Emulation de l'Ain

Cette Première guerre mondiale appelle forcément l'ancien saint-cyrien, d'où la démission de son ministère. Âgé de 45 ans, il entame le conflit comme capitaine de la 6e brigade de chasseurs alpins. Il parvient alors à gravir quelques échelons, passant ainsi lieutenant-colonel de réserve (1914) puis colonel de réserve (1915), non sans avoir été blessé à deux reprises en 1915 et en 1916. En 1917, il obtient le grade de général de brigade et participe à la libération de Colmar.

La fin du conflit lui apporte de multiples décorations dont le grade d'officier (1916) puis de commandeur (1920) de la Légion d'honneur, la croix de guerre à quatre reprises, la grand croix de l'Ordre de la Couronne de Belgique (1920), etc.

 Photographie issue du site www.hervedavid.fr

L'après-guerre

Après quinze ans de mandat, le sénateur de l'Ain Alexandre Bérard décède brutalement en avril 1923. Le 10 juin, après des élections qu'il remporte avec 76% des suffrages, le général Messimy lui succède. Il sera réelu en 1930 jusqu'à son décès et présidera la commission sénatoriale des colonies (1926-1931) puis celle de l'armée (1931-1935).
Après avoir divorcé d'Andrée Cornil, le général Messimy se remarie avec Marie-Louise Viallar le 10 août 1923, dans le 6e arrondissement de Paris.

En 1932, il devient grand officier de la Légion d'honneur.

Messimy décède le 1er septembre 1935 d'une hémoragie cérébrale dans sa commune de Charnoz-sur-Ain. Il était âgé de 66 ans.
 
Ouvrages du général Messimy

Messimy eut une plume assez active durant toute sa carrière, avant comme après la Première guerre mondiale.

- La paix armée. Paris, Giard et Brière, 1903. 53 p.
- Notre oeuvre coloniale. Paris, Larose, 1910. 437 p.
- Le problème militaire. Paris, Le Rappel, 1913. 39 p.
- Mes souvenirs. Paris, Plon, 1937. 428 p.

Bibliographie et webographie

JOLLY (Jean). Dictionnaire des Parlementaires français.

http://www.senat.fr/senateur-3eme-republique/messimy_adolphe0021r3.html


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